interview du scénariste du téléfilm Jean Van Hamme

Interview liée à la série Rani

Jean Van Hamme

Interview accordée à la rédaction en décembre 2011 pour le site France 2.fr

L’immense succès des séries XIII, Largo Winch et Thorgal, dont il a écrit les scénarios, a fait la renommée de Jean Van Hamme. L’écrivain belge est aussi l’auteur de séries comme Lady S., Wayne Shelton ou Les Maîtres de l’orge, qui fut adapté pour France 2 en 1996 et 1999 (Les Steenfort). Mais avec Rani, il renoue avec l’écriture originale d’une fiction destinée à la télévision : « Aujourd’hui, cela m’amuse plus d’écrire des dialogues qui seront dits que des dialogues qui seront lus ». Précisions.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire cette histoire, et à quelle distance avez-vous voulu vous placer par rapport à la réalité historique ?

Avec le producteur Alain Clert, nous souhaitions une aventure au cœur de l’Inde, dans des sites superbes. Je me suis intéressé à l’histoire des comptoirs français de ce pays, et me suis plongé dans une page de leur histoire que les Français connaissent en définitive assez mal, bien qu’elle aurait pu aboutir à ce que l’Inde soit française. Un petit rappel historique : Dupleix, le gouverneur général des établissements français, contrôlait de fait tout le sud du pays, le Deccan, en traitant habilement avec les sultans et maharajahs locaux. Sans remettre en cause leur souveraineté, il signait avec eux des accords commerciaux (achat de soieries, de métaux précieux, et vente de produits manufacturés). Mais Louis XV, engagé dans la guerre de succession d’Autriche contre les Anglais, finit par « lâcher » Dupleix. A la grande joie des Anglais qui en adoptent les idées pour contrôler l’ensemble du territoire.
Mon histoire s’inscrit directement dans ce contexte historique assez méconnu. Nombre de personnages de l’époque apparaissent dans Rani : le couple Dupleix, Bussy, La Bourdonnais… J’ai tenté de respecter leur profil, en tout cas d’après les informations que j’ai pu recueillir sur eux, tout en les impliquant dans des circonstances romanesques (en particulier la rencontre entre Jolanne et La Bourdonnais).

L’écriture du scénario s’apparente-t-elle plus à celui d’une BD qu’à un roman d’aventures classique ?

Non, pas du tout. Certaines histoires, dont celle-ci, conviennent bien mieux à l’écran qu’à la bande dessinée. Lorsque je les rédige, j’ai une écriture visuelle : je vois les personnages. C’est donc totalement différent. D’autre part, on porte une autre attention à ce qu’on écrit : dans une BD, vous pouvez faire exploser la tour Eiffel si ça vous chante, ça ne vous coûte rien ! Alors qu’évidemment, il faut prendre en compte les contraintes budgétaires d’un tournage. J’avais demandé 50 éléphants pour la bataille finale, on m’a dit vous en aurez 1 ! (rires)
C’est également pour cette raison que je n’ai pas réalisé l’adaptation du scénario pour la BD qui en est issue. Francis Vallès, avec qui j’avais fait voilà quinze ans Les Maîtres de l’orge (Glénat), en est le dessinateur, et Didier Alcante, un jeune scénariste prometteur, a écrit les textes à partir de mon synopsis. Pas à partir du scénario achevé, pour éviter d’être influencé par mes dialogues : il écrit donc à sa manière.

Vous inscrivez votre récit dans une grande lignée : celle des feuilletons d’aventure, popularisée par Alexandre Dumas ou Michel Zévaco…

Oui, je suis un raconteur d’histoires, pas un donneur de leçons. Je souhaite que les gens vivent cette histoire et s’identifient aux personnages, participent à cette grande cavalcade à travers l’Inde du XVIIIe. En cela, je cherche à renouer avec ces grands films d’aventures que sont Les Trois Mousquetaires, Le Prisonnier de Zenda…, à en retrouver l’ambiance. Arnaud Sélignac a, à ce sujet, fait un travail formidable, comme réalisateur et comme chef d’équipe, en réussissant notamment à restituer l’atmosphère de la bataille finale. Mais aussi à créer une excellente ambiance. Vous savez, les meilleurs scénarios du monde ne valent rien si les comédiens sont mal choisis, et vice versa. Mais si, comme sur Rani, les ingrédients sont les bons, alors le film est réussi.

XIII, Largo Winch, Thorgal  : des hommes ont fait votre renommée. Pourquoi ce personnage de femme ?

Je voulais mettre en avant un personnage qui traverse toute cette histoire des comptoirs de l’Inde. Et une femme, bien entendu, doit se battre davantage pour atteindre ses objectifs !

Cette incursion dans la TV préfigure-t-elle un tournant chez vous ?

J’avais déjà fait le feuilleton Les Maîtres de l’orge, écrit quelques téléfilms avant, quelques scénarios de films encore avant, et c’est effectivement un petit virage de ma part : j’ai arrêté mes 2 séries principales, XIII et Thorgal, afin d’avoir un peu plus de temps pour participer ou écrire des scénarios de films. C’est d’ailleurs ce que je suis en train de faire puisqu’en ce moment j’écris le scénario de Largo Winch 3 – alors que dans les précédents je n’étais que consultant – et que je vais faire probablement encore un peu de télévision. Disons que je vais davantage accentuer l’écriture audiovisuelle, car cela me donne une excitation nouvelle.

Il paraît que, présent sur le tournage, vous avez fait un peu de figuration ?

Oui, c’est vrai, il doit en rester douze secondes ! (rires). J’étais là-bas sur une invitation de la production, et j’ai trouvé que c’était un moyen sympathique de faire connaissance avec l’équipe, de pouvoir discuter avec les deux acteurs principaux, Mylène Jampanoï et Jean-Hugues Anglade ; bref ce fut un bien agréable moment.

Interview Originale sur le Site France 2.fr.

Jean Van Hamme

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A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

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